Aux compagnons de route de l’écologie politique, à ses électrices et électeurs d’un jour ou de toujours, aux militantes et militants actifs, aux sympathisantes et sympathisants attentifs, que vous soyez dans l’enthousiasme, la critique, la bienveillance, l’impatience, l’anxiété, la déception parfois, mais jamais la résignation : nous vous proposons de travailler ensemble à la fondation d’un nouveau mouvement écologiste.
Nous sommes des écologistes qui revendiquons une sensibilité à l’égard de toutes les formes de vivant et un regard nouveau sur notre monde, ses limites et les injustices liées au fait que quelques privilégiés s’approprient les ressources en exploitant les humains et l’environnement.
Nous sommes des écologistes sensibles à ce que nous révèle chaque jour la science. De nouvelles merveilles d’une part, comme les mécanismes cellulaires ou l’intelligence animale, qui dévoilent l’étendue et la richesse des écosystèmes et leur complexité à toutes les échelles. L’ampleur du cataclysme à l'œuvre sous nos yeux d’autre part : effondrement de la biodiversité, déforestation, réchauffement climatique, pollution des océans, épuisement des ressources minérales, maladies environnementales, souffrance animale ...
Cet été 2022, qui a vu la France littéralement brûler, sur fond de multiples épisodes caniculaires et de sécheresse record, marque un palier dans le sinistre dérèglement climatique que la science a su prédire et que le politique n’a pas su prévenir.
Aux débuts de l’écologie politique, ils et elles n’étaient qu’une poignée à se mobiliser autour de ces thèmes, à l’instar d’une Rachel Carson en lutte contre le DDT (Dichloro-Diphényl-Trichloro-éthane), ce pesticide dangereux pour la faune, la flore et l’homme, ou d’un René Dumont alertant sur la rareté de l’eau potable et promouvant la transition agroécologique.
À l’heure où le DDT est interdit et où d’autres poisons ont pris la relève, au moment où l’eau menace de manquer, l’histoire a amplement démontré que ces pionniers avaient raison. Et pourtant la crise n’a fait que s’aggraver ...
Inquiets pour nous et pour nos enfants, nous formons le constat lucide que jusqu’à présent l’écologie politique a été, sauf en de rares combats, impuissante à changer le cours des choses. Mais nous sommes convaincus que seule l’écologie politique peut gagner la bataille culturelle nécessaire au changement de système dont nous avons besoin.
L’écologie est bien plus qu’un courant politique, c’est un univers d’idées, de valeurs, d’affects, d’images, d'aspirations. Il a fallu bien des décennies aux grandes luttes sociales pour imprimer leur marque dans la société à travers un certain nombre d’acquis, et cela n’a pu se faire qu’avec une organisation considérable. Il n’est pas surprenant que l’écologie n’échappe pas à la règle.
La route est ardue, d’autant plus que les forces hostiles aux changements nécessaires sont titanesques et sont, elles, très coalisées. Elles ont su mobiliser au plus haut niveau, dans les antichambres du pouvoir, sur tous les continents, fabriquant le doute, maniant le mensonge, l’hypocrisie et le déni. Elles ont ainsi obtenu le maintien de leurs privilèges au détriment de la justice environnementale et de la justice sociale. Elles ont pour alliés l’inertie des habitudes, le déni ou la sidération face au péril désormais palpable, la résignation nourrie par la lassitude et le sentiment d’impuissance.
La conséquence ? La destruction du vivant et l’appauvrissement de nos vies atteignent un tel niveau que l’on perd de vue ce que pourrait être le bien vivre. Une vie digne, pour commencer : avoir les moyens de se nourrir, de se vêtir, de se déplacer, en dépassant l’horizon si stérile du “pouvoir d’achat”, pour privilégier le pouvoir de vivre. Réaffirmer que l’émancipation éducative, culturelle, politique, est un droit pour chacune et chacun. Le bien vivre ensemble, ensuite : mettre la solidarité et la coopération au cœur de notre organisation sociale. Une vie saine enfin : pouvoir manger une tomate sans pesticide et de connaître sa saveur, de boire de l’eau du robinet dans certaines régions sans risquer de tomber malade, de ne pas avoir à s’inquiéter de la qualité de l’air que l’on respire ou des sols pollués qui nous entourent.
Nous y sommes : de nos décisions à venir dépendra l'habitabilité de la planète à moyen terme et la survie de l’humanité. La vie, ou la mort. C’est bel et bien à ce carrefour que l’humanité se trouve.
Pour changer le cours de l’histoire, il nous faut gagner. Gagner pour changer la vie, vraiment !
Les pionniers et pionnières de l’écologie étaient peu nombreux, n’avaient ni le pouvoir, ni les moyens financiers des puissances capitalistes, mais de solides convictions, des valeurs et de l’énergie - renouvelable ! - pour les défendre, une bonne dose de résilience et de l’inventivité pour imaginer un futur vivable et désirable.
En contraste, aujourd’hui, une majorité de Françaises et de Français sont conscient·es de l’urgence écologique et prêt·es à se mobiliser.
Cette « classe écologique » que plusieurs philosophes ont théorisée, et que Bruno Latour et Nikolaj Schultz nous exhortent, dans un essai récent, à mobiliser et à rendre « consciente et fière d’elle-même », est bien plus vaste que la communauté encartée.
Ce sont les parents et les grands-parents inquiets pour leurs enfants. Les paysans et paysannes broyé·es par le modèle agricole industriel qui détruit nos précieuses terres communes. Les esprits rationnels qui veulent tenir compte du message des scientifiques. Les promeneurs et promeneuses qui ressentent la beauté et la fragilité de l’écosystème forestier et ne peuvent se résoudre à le voir privatisé, bétonné ou dévoré par les flammes. Les amoureux et amoureuses de la faune qui rêvent devant les documentaires célébrant la beauté et la richesse de la vie sauvage. Les personnes en situation de précarité qui réalisent que la solution durable à leurs problèmes nécessite un changement radical de modèle et un nouveau pacte social juste et partagé. Les familles d’enfants asthmatiques ou victimes de cancers pédiatriques. Notre jeunesse, lucide et déterminée, qui se mobilise et ne comprend pas que nous ne soyons pas saisis de panique. Toutes celles et ceux qui s’organisent dans les camps climat, qui bâtissent des pratiques écoféministes, qui rêvent de construire hors des villes un ailleurs plus riche de vie. Les artisans fiers de leur savoir-faire et de leur connaissance des territoires, qui ne peuvent se résoudre aux effets destructeurs de la mondialisation débridée. Les entrepreneurs·ses, conscient·es des limites planétaires, et de la nécessité d’une nouvelle relation au travail, qui inventent de nouvelles façons de faire. Les aidant·es, soignant·es et enseignant·es qui connaissent la valeur du soin, de la coopération et du partage, qui contribuent à la société de liens. Les simples citoyen·nes conscient·es de l’importance du convivialisme et qui veulent refaire société. Et tant d’autres.
Cela représente beaucoup de monde !
Rassemblés et fédérés, les écologistes possèdent une immense force. Une force capable d’accompagner et de soutenir les mouvements sociaux et les collectifs citoyens, capable de réguler et de mettre en œuvre la transition écologique à tous les échelons, capable aussi de faire rêver notre jeunesse et d’inventer un nouvel horizon. Les élu·es écologistes, notamment dans les exécutifs des mairies gagnées ces dernières années, ont bien démontré cette capacité à mobiliser pour changer le quotidien.